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SOIL

Voyage au Québec

en compagnie poétique de

 François Cheng et

« Enfin le Royaume »

https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782072834288-enfin-le-royaume-quatrains-francois-cheng/

 

Je suis partie. J’ai quitté ma terre natale et j’ai traversé un océan avec mon appareil photo. Car je rêvais de cet autre continent, de cette portion de terre francophone depuis le premier confinement. Lorsque tout s’est fermé et tout s’est arrêté, une intuition a surgi. Elle s’est muée en certitude : je veux, je dois traverser l’Atlantique. Trois années ont passé, 

François Cheng guidait mon regard avec « Vide et Plein, le langage pictural chinois ». J’aime depuis saisir la pureté et la fragilité d’un équilibre entre les noirs et les blancs et raconter ainsi mes parts d’ombre répondant à mon besoin de lumière. 

Depuis longtemps je voulais accorder aussi mes photos avec le chant de ses poèmes. 

 

Ce voyage en terre francophone en a été le décorum. Traverser un océan pour y trouver des images qui raconteraient, peut-être, l’histoire d’un exil ?  

 

J’ai lu François Cheng avant mon départ, et j’ai été attrapée par la pureté et la vérité de ses quatrains. « Enfin le Royaume » raconte l’émerveillement, transcendant notre triste condition humaine, dans un exil, un départ pour une nouvelle vie, une nouvelle terre. Les vers chantent la découverte ou la redécouverte de soi, la sagesse, le lien entre les éléments, le sol, la lumière, la terre et notre âme. Ses mots ont résonné tout le long de mon périple.

J’y ai retrouvé le lien transgénérationnel à la terre des Premières Nations, le regard neuf porté par les premiers colons français, et la promesse d’une nouvelle vie.

« Enfin le royaume » chante le retour à la terre, à sa matière, à ce sol dont j’ai senti les vibrations et les émotions. « SOIL » est cette connexion, ce lien physique et tangible, cette l’énergie tellurique du Québec qui m’a enveloppée une fois là-bas.

« Je n’ai jamais eu le sentiment d’appartenir complètement à aucun lieu, pas même à mon Athènes bien-aimée, pas même à Rome.

Étranger partout, je ne me sentais isolé nulle part. »

Adam Kadmon par Marguerite Yourcenar

Mélanges polyglottes, sourires, couleurs, espace. Nous atterrissons à YUL.

Je suis interrogée, bousculée par cette ville étendue.

Ici Montréal, grandeur urbaine, métropole sereine où l’espace respire. 

Montréal est une somme d’identités fortes et plurielles, citrouilles d’Halloween devant les portes et, au détour d’un parc, d’arbres encore colorés, des écureuils à l’affût de leurs provisions hivernales.

Le choc de ce mélange, entre deux langues, le français et l’anglais, dès le départ.

Ma langue maternelle, comme clef de voute d’un pays que je ne connais pas, côtoie l’anglais omniprésent et son empreinte nord-américaine.

« Photographier sans projet ni intention, l’une des formes les plus radicales du lâcher-prise »

« Remarquer quelque chose par hasard : plénitude visuelle éprouvée soudainement, comme si la banalité se détachait d’elle-même »

Friedlander

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La moitié du voyage.

Je m’attendais à une vibration émotionnelle, une révélation, moi qui voulais traverser l’Atlantique depuis trois ans. 

Pour le moment je ressens un agréable décalage. J’observe le Québec avec distance, avec les yeux d’une étrangère. Je photographie sans réfléchir.

Je suis portée et transportée. 

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Car je reste depuis le départ fascinée par cet espace habité par ce mélange linguistique et culturel.

Les voyelles sont parfumées de cet accent qui attrape les rondeurs de l’américain.

Accent contagieux qui chante et qui ne part plus.

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Le way of life nord-américain, ses voitures, les sirènes, les panneaux, l’architecture, le land… où se glissent des sourires québécois,

des « Avec plaisir », « Allo, ça va bien ? ».

Une jovialité non-feinte ni forcée mais je devine pourtant qu’elles ne livrent pas tout de cette belle et atypique province du Canada.

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Montréal sa mixité bitumée.

Québec-city et son histoire.

Les briques rouges et les toits d’ardoise brune.

L’escalier pour passer par-dessus les monticules de neige et rentrer chez soi quand l’hiver viendra.

Les tentes qui se montent devant les maisons pour protéger la voiture.

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Ici les derniers jours de l’automne.

« Il a été pluvieux » nous avait dit un franco-montréalais un soir devant le rayon des bières locales d’une supérette du quartier de Westmounth.

Les couleurs sont en train de tomber.

Nous monterons vers le Nord pour redescendre vers la Mauricie.

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Les routes accompagnées de brume, le paysage encerclés de montagnes et pourtant l’horizon se dégage.

Le fjord de Tadoussac .

Toujours cette gentillesse, les rencontres du hasard, les bières de la micro-brasserie locale, le vent…

et les baleines qui quittent la réserve pour fuir l’hiver. 

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« L’hiver arrive trop vite, trop brutalement » nous dira une employée du Musée de la Civilisation à Québec City.

J’y achète l’affiche de l’exposition « Nos racines : premières nations et Inuit du XXIè s ».

Je suis restée de longues minutes devant une animation vidéo raconte les énergies circulant autour et à l’intérieur d’un arbre, fascinée. 

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Les photos suivent le fil et le flux du périple, entre la découverte et la recherche de lumières, de matières.

Minérales, humides, végétales.

 

« C’est un arbre qui plonge ses racines en terre profonde, pour se nourrir de sa force tellurique »

Chen Bing Chiu

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Paysage vierge, le jour de notre départ.

L’hiver pointe avec une neige tombée pendant la nuit.

Nous nous précipitons pour une derrière promenade

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Au milieu des sapins, posée sur sol de la Nouvelle-France trempé par les premières neiges.

Fraîche, immaculée, je la foule du pied en ce dernier matin d’octobre.

Montent à mes oreilles le bruit des flocons qui craquent sous les épaisses semelles de mes chaussures de randonnée.

Emmitouflée dans le silence

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Au milieu des sapins, posée sur sol de la Nouvelle-France trempé par les premières neiges.

Fraîche, immaculée, je la foule du pied en ce dernier matin d’octobre.

Montent à mes oreilles le bruit des flocons qui craquent sous les épaisses semelles de mes chaussures de randonnée.

Emmitouflée dans le silence

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Parc de laMauricie, non loin de Shawinagan.  

Le chant de mes pas, le bruit mat des chutes de la neige tombant des arbres.

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Puis être attrapée.

D’abord sentir une présence.

Sur ma gauche.

Un souffle, je m’arrête.

Et puis s’envole

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Alors arrive un élan, une énergie, un feu partant de la terre, grasse, noire, trempée de neige fondue.

Cette énergie attaque mes pieds, mes jambes et remonte pour se prolonger dans tout le reste de mon corps.

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Me voici attrapée.

Je reste vissée et traversée par, je ne sais pas, l’esprit de cette terre ?

Sol vif, neuf à l’énergie pénétrante.

Tout prend sens alors : je suis envahie par une énergie tellurique, tourbée et minérale

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La sève 

Me voici connectée.

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Ce land est une matrice, une canopée, un cœur.

Le sien se confond avec le mien et j’absorbe tout ce qui vit en elle.

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Cette terre est vivante.

L’énergie vient du sol.

Les premières nations le savaient et le savent encore.

Ceux qui restent sont accrochés, ancrés et amoureux.

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« Je me demande si la terre a quelque chose à dire.

Je me demande si la terre est venue à la vie et ce qu’il y a dessous.

J’entends pourtant ce que dit la terre »

Du recueil « Pieds nus sur la Terre sacrée »

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​©Alexa  Henry

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